Il arrive que certaines personnes ignorent qu'elles ont été désignées comme bénéficiaires d'une assurance-vie, cette dernière ayant été souscrite par un proche. Rappelons un principe de base : en cas décès, l'épargne disponible sur une assurance-vie doit être versée au(x) bénéficiaire(s) choisis par le souscripteur et désignés dans la clause bénéficiaire du contrat. Mais il appartient au(x) bénéficiaire(s) de demander le déblocage des fonds, l'assureur n'ayant pas à prendre l'initiative. Or, si le bénéficiaire ne sait pas qu'il l'est, il ne peut engager la démarche.
De son côté, l'assureur peut ne pas avoir connaissance du décès du souscripteur et/ou ne pas arriver à retrouver le(s) bénéficiaire(s), faute de clause suffisamment explicite. Le contrat tombe alors en déshérence, c'est-à-dire que les capitaux dorment sans être réclamés. Pour tenter de limiter le stock de contrats non réglés, un arsenal législatif a été mis en place. Deux dispositifs historiques, instaurés par l'Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (Agira), ont posé les bases des obligations des assureurs : Agira 1 et Agira 2.
Le premier volet permet à toute personne qui pense être bénéficiaire d'une assurance-vie d'un souscripteur décédé d'interroger de sa propre initiative les assureurs. Deux options sont possibles :
Le décès du souscripteur remonte à moins de dix ans : Le contrat est toujours en possession de l'assureur. De ce fait, vous pouvez donc contacter l'Agira soit par courrier soit en ligne (agira-vie.fr). Tous les assureurs sont référencés. Ces derniers ont quinze jours pour répondre (article L139-9-2 du Code des assurances).
Le décès du souscripteur remonte à plus de dix ans : Le capital a été transféré à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et il faut se manifester auprès de celle-ci. La recherche n'est possible qu'en ligne (ciclade.caissedesdepots.fr). La CDC transmet les capitaux à l'Etat au bout de vingt ans. Il ne sera alors plus possible de les récupérer.
Le second volet impose aux assureurs de consulter au moins une fois par an le fichier national des personnes décédées (RNIPP) et de rechercher les bénéficiaires des contrats (article L132-9-3 du Code des assurances).
Des pénalités de retard peuvent être dues par l'assureur
Ces obligations ont été durcies par la suite avec les lois Eckert et Pacte. L'assureur dispose ainsi de quinze jours à compter de la réception de l'avis de décès du souscripteur d'un contrat et de sa prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire pour demander à ce dernier de fournir l'ensemble des pièces nécessaires au paiement. Une fois le dossier complet réceptionné, il doit payer les sommes dues dans un délai maximal d'un mois. Ce qui parfois ne va pas de soi !
Ces dispositions ont été assorties de sanctions censées améliorer la célérité des assureurs : en cas de non-respect du délai de quinze jours, le capital produit des intérêts de retard au double du taux légal durant un mois, puis au triple du taux légal au-delà (article L132-23-1 du Code des assurances, article 72 de la loi 2019-486 du 22 mai 2019). Le non-respect du délai des trente jours est, lui, sanctionné par des intérêts de retard égaux au double du taux d'intérêt légal durant deux mois, puis au triple du taux légal à partir du troisième mois.
En outre, les assureurs sont tenus de publier chaque année un bilan dressant un état des lieux des contrats non encore réglés. Doivent y figurer le nombre total d'assurances-vie dormantes et les encours correspondant (article L132-9-3-1 du Code des assurances). Ce bilan est publié sur le site de chaque assureur dans un délai de 90 jours ouvrables à compter du 1er janvier.
Attention ! L'assureur n'a pas le droit de déduire du montant des capitaux dus les frais qu'il a engagés pour rechercher les bénéficiaires et ce, même si une clause stipulant qu'il y aura bien imputation existe dans le contrat. Le gendarme du secteur, l'ACPR, est ferme sur le ce point (position n°2014-P-05). Sachez aussi que le règlement du capital d'une assurance-vie ne peut être subordonné au versement préalable de fonds de la part du bénéficiaire désigné. Soyez donc vigilant s'il vous est demandé de signer un mandat ou une procuration pour savoir si vous êtes le bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie.
Le notaire doit aussi rechercher d'éventuels bénéficiaires
Si les devoirs des assureurs envers les bénéficiaires sont clairement définis, il n'en était jusqu'ici pas de même pour le notaire chargé de la succession. Une décision récente de la Cour de cassation vient de mettre les points sur les i sur le sujet (13 avril 2023, n°21-20.272).
L'affaire porte sur la liquidation d'une succession. La défunte avait souscrit trois assurances-vie sur lesquelles elle avait effectué des versements après 70 ans. Dans ce cas, et hormis pour les contrats ouverts avant le 20 novembre 1991 (qui suivent le régime de l'article 990 I du Code général des impôts), les primes devaient être soumises aux droits de succession après abattement de 30 500€ (article 757 B du CGI) applicable à chaque bénéficiaire désigné.
Au décès, l'assureur (Sogécap) avait transmis aux bénéficiaires, dont un était légataire universel et sous curatelle, des courriers les informant de leur qualité et des démarches à effectuer. Or, le légataire universel ignorait l'existence des assurances-vie, alléguant que, du fait de son état, il n'ouvrait jamais les courriers qui lui étaient adressés. N'ayant pas déclaré les sommes au fisc dans le délai légal (dans les six mois suivant le jour du décès, article 641 du CGI), il avait reçu une proposition de rectification assortie de pénalité de retard (43 800€). Avec sa curatrice, il avait alors assigné en responsabilité et indemnisation de son préjudice consécutif à cette rectification le notaire chargé de la succession, qui lui-même a ensuite assigné en garantie Sogécap.
Les juges d'appel ont partagé l'indemnisation à parts égales (50/50) entre le notaire et l'assureur. Ce dernier s'est pourvu en cassation. La Cour lui a donné raison : selon elle, une compagnie d'assurance n'est pas tenue de porter à connaissance du notaire l'existence de contrats d'assurance-vie si celui-ci ne lui en fait pas la demande expresse. Dès lors, le notaire a bien commis une faute et engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil.
Une décision importante
Cette décision établit que, tout comme l'assureur, le notaire doit avoir un rôle actif dans la recherche des bénéficiaires. Une fois mandaté par les héritiers, il lui appartient d'interroger le fichier Ficovie, qui recense les assurances-vie de plus de 7 500€, et de s'enquérir clairement auprès de l'assureur de l'existence de contrats souscrits par le défunt et d'éventuelles primes versées après ses 70 ans.